L’évangile de Matthieu se termine par le célèbre envoi des apôtres. Pourtant, ça faisait plusieurs dizaines de versets qu’on ne les avait plus vus ces onze-là ! En fait, ce ne sont pas eux mais des acteurs inattendus qui témoignent de la résurrection.
Le premier évangile, c’est un peu le manuel du disciple dans lequel Jésus donne le profil de ceux qui peuvent le suivre. Sauf que ceux qui, au chapitre 10, le devançaient de ville en ville en prêchant et faisant des miracles (comme lui), ne sont plus là pour l’attendre de l’autre côté de la mort. Bof bof, les disciples ! Quand on observe le passage, on s’aperçoit que ceux qui vont être les observateurs et propagateurs de la résurrection sont… des zombies, des femmes et des soldats romains !
Les manifestants (52-54)
Les versets 52 à 53 nous donnent l’identité des premières personnes qui disent ce qui est réellement en train de se passer pendant la crucifixion. Des morts qui ressuscitent, qui entrent dans Jérusalem et qui se manifestent au monde. Pour quoi faire ? Pour annoncer ce que Jésus va faire ! Cependant, quand on lit bien, on comprend que ces saints sont sortis de leur tombeau après la résurrection de Jésus mais le fait que Matthieu les mentionne à ce moment-là de son récit montre qu’il veut placer un signe avant-coureur de la résurrection juste après la croix. Dans la narration, ils sont donc les premiers témoins de la résurrection.
Ensuite, nous avons des soldats au v.54 qui tirent les bonnes conclusions des événements extrêmement étranges (51) qu’ils viennent de vivre : Jésus était vraiment le Fils de Dieu. Ce sont eux que Matthieu choisit de citer comme second groupe de témoins.
Des morts et des envahisseurs païens qui prêchent Jésus ? C’était pas prévu dans le manuel du disciple ça, non ?
Les observateurs (27.55-28.7)
Dans les versets suivants, nous ne sommes plus dans le registre de la démonstration mais de l’observation. Il y a d’abord des femmes qui sont les seules disciples citées par Matthieu au pied de la croix : elles “regardent de loin” (55). Puis, le corps de Jésus devient l’objet de toutes les attentions. Il appartient aux romains, c’est donc à Pilate qu’on demande des autorisations : celle de le mettre dans un sépulcre (par un disciple inconnu jusqu’alors en 57-61) sous l’oeil des femmes et celle de le faire surveiller (mot qui revient 3 fois entre 62 et 66) par des gardes. Nous avons donc un tombeau gardé par des pros et des anti-Jésus et ces 2 camps opposés vont maintenant se livrer à un match sous nos yeux. Pourtant le dimanche de Pâques les caméras des anti sont désactivées par le tremblement de terre et l’ange tandis que celles des pro (les 2 Marie) sont non seulement en marche mais sont invitées à zoomer à l’intérieur du tombeau pour constater l’absence de corps. Pour le voir, il faudra maintenant se rendre en Galilée.
Les disciples qui ont donc bien observé à la fois la mort et la résurrection de Jésus (qu’on pourra donc qualifier de témoins de premier ordre) sont… des femmes ! Rappelons que leur parole ne pèse vraiment pas lourd à l’époque. Et pourtant, Matthieu insiste bien pour montrer que ce sont elles (et non les onze mâles) qui peuvent tout certifier.
Les propagateurs (6-15)
Comme il y a eu match pour surveiller le corps de Jésus, il y aura match pour dire ce que son corps est devenu. L’ange (7) et Jésus lui-même (10) donnent l’ordre aux femmes de dire la Bonne Nouvelle aux onze.
En parallèle (très appuyé au v.11), les gardes sont aussi en chemin pour faire leur rapport aux chefs religieux. Détail marrant, Matthieu dit qu’ils “entrèrent dans la ville”… exactement comme les “ressuscités” du v.53 qui ont d’ailleurs probablement effectué leur entrée en même temps qu’eux !
À Jérusalem ce dimanche de Pâques, tous les juifs des plus grands (via les gardes) au plus petits (via ce “lâcher” de ressuscités) en passant par les disciples (via les femmes) ont donc reçu un témoignage de la résurrection.
Malheureusement, cette vérité qui semble se répandre inexorablement va être concurrencée par une version officielle inventée par les auteurs du complots contre Jésus (12) : on va donner l’ordre aux gardes de propager le faux-témoignage du vol de corps (15). C’est l’envoi (mensonger) des grands-prêtres qui précède la grande commission (pour la vérité) de Jésus (19-20).
Retour au Psaume 22
Après avoir commencé par “Mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ?” (voir le précédent article) le Psaume 22 finit par 10 versets remplis de joie où David, Israël et enfin les nations du monde entier se prosternent devant le Seigneur qui sauve son roi :
Ps 22.23 Je parlerai de ton nom à mes frères,
au milieu de l’assemblée, je te louerai.
24 Vous qui craignez le SEIGNEUR, louez-le !
Vous tous, descendants de Jacob, glorifiez-le !
Tremblez devant lui, vous tous, descendants d’Israël !
25 Car il n’a ni mépris ni dédain pour les peines du pauvre,
il ne se détourne pas de lui ;
quand celui-ci l’appelle au secours, il l’entend.
26 C’est de toi que viennent mes louanges dans l’assemblée nombreuse ;
je m’acquitterai de mes voeux devant ceux qui te craignent.
27 Les pauvres mangeront, ils seront rassasiés ;
ils loueront le SEIGNEUR, ceux qui le cherchent.
Que votre coeur vive à jamais !
28 Toutes les extrémités de la terre se souviendront du SEIGNEUR et se tourneront vers lui ;
tous les clans des nations se prosterneront devant lui.
29 Car le règne appartient au SEIGNEUR,
il domine sur les nations.
30 Tous les puissants de la terre mangeront et se prosterneront aussi ;
devant lui plieront tous ceux qui descendent dans la poussière,
ceux qui ne peuvent conserver leur vie.
31 La postérité le servira ;
on parlera du Seigneur à la génération future.
32 On viendra dire sa justice
au peuple qui naîtra, car il a agi.
L’accent de cette fin de psaume est mis sur le fait de parler, proclamer la victoire de Dieu (23-24, 26, 31-32), sa puissance et sa domination. Alors les extrémités de la terre (28) se tourneront vers Lui qui domine les nations (29).
Dans les derniers versets de l’évangile de Matthieu, Jésus affirme son autorité sur l’Univers entier et envoie ses disciples vers les nations afin de faire d’autres disciples. Après avoir débuté par “Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ?” le Psaume et les derniers moments de Jésus sur terre se terminent donc de la même manière. Sauf que Matthieu donne deux infos supplémentaires au psaume :
- Des émissaires mensongers envoyés par les chiens du Psaume fourniront une version concurrente de celle des disciples. Le match entre le bien et le mal continue donc malgré la victoire de Jésus qui n’est pas encore totalement effective. On verra dans les Actes des apôtres que les juifs seront finalement les principaux opposants à la propagation de l’Evangile.
- Les disciples sont très mal partis pour accomplir leur mission et auront vraiment besoin que Jésus les accompagne “tous les jours jusqu’à la fin du monde” afin que la vérité se répande (et qu’ils ne fuient pas devant l’adversité). La venue du Saint Esprit, remplaçant de Jésus, sera la condition sine qua non de l’évangélisation. Il sera en eux et leurs descendants jusqu’à la fin de ce monde.