Par Colin Donaldson, Secrétaire Général des GBUE en suisse romande.
À la lumière de plusieurs exemples bibliques, Colin Donaldson nous aide à comprendre ce qu’est l’évangélisation pour mieux la vivre.
Pour bon nombre de personnes, le terme « évangélisation » évoque l’une de deux choses suivantes : pour le non-croyant, ce mot représente souvent une méthode de manipulation visant à lui faire croire un mythe ancien qui n’a plus aucune importance aujourd’hui ; pour le croyant, l’évangélisation évoque le plus souvent une crainte et une certaine culpabilité (d’une part, il n’a guère le courage de se risquer à l’évangélisation et, d’autre part, même s’il devrait s’y atteler, il ne sait pas comment s’y prendre)
Ces craintes, souvent légitimes, sont dues dans la plupart des cas à une mauvaise compréhension de ce qu’est l’évangélisation. Celle-ci est souvent assimilée à l’évangélisation de masse, faite par une personnalité charismatique et convaincante qui a l’habitude de parler à des foules avec les bonnes techniques pour faire passer son message. Pourtant, la Bible montre que l’évangélisation ne se déroule pas toujours de cette manière. Une lecture attentive des textes devrait contribuer à ce que nos craintes s’estompent et notre enthousiasme augmente sensiblement.
Différentes approches
Le mot « évangéliser » vient du verbe du grec: euangelizomai, qui signifie littéralement «annoncer une bonne nouvelle». On le retrouve 52 fois dans le Nouveau Testament. Il suffit de lire quelques-uns des exemples suivants pour voir que l’évangélisation n’a pas à être définie en termes de méthode particulière, mais de partage ou d’annonce du message de la bonne nouvelle.
En observant les pratiques à l’époque du Nouveau Testament et pendant les années suivantes , nous pouvons observer quatre approches différentes :
-La proclamation publique
Que cela soit dans les synagogues ou en plein air, l’évangélisation publique joue un rôle fondamental dans la diffusion de l’Évangile aux débuts de l’Église. Pendant les trois premières décennies, avant que la porte ne soit plus fermée au nez des premiers chrétiens, les synagogues sont des lieux privilégiés. Regroupant les Juifs de la région et avec un style de liturgie permettant la participation des laïcs, il est naturel que le message y soit porté. Un exemple notoire est Paul à Antioche de Pisidie (Ac 13.14-42). En partant du peuple de Dieu, Paul montre que cette histoire mène à la venue du Messie. Il continue ensuite en expliquant la bonne nouvelle de Jésus, en qui les prophéties sont accomplies, tout en soulignant sa mort et sa résurrection. Dans la troisième partie de son message, il annonce le pardon des péchés, pleinement offert au travers de Jésus ressuscité. Si ce message délivré à Antioche est un exemple d’évangélisation type envers les Juifs, il en va très différemment du message que Paul délivre à Athènes (Ac 17.22-34). Après avoir observé la ville et ses différentes pratiques religieuses, Paul, pressé d’expliquer ce qu’il croit, utilise l’exemple d’un autel destiné « À un dieu inconnu » afin de susciter l’intérêt des Grecs envers l’Évangile. Il saisit cette occasion pour leur présenter un Dieu qu’ils n’ont jamais rencontré. Dans le contexte culturel bien différent qui est celui du polythéisme grec, il ne cite pas l’Ancien Testament, mais choisit d’utiliser des exemples de leur propre culture pour ensuite pouvoir enseigner l’Évangile. Deux styles très différents, mais un même message.
-L’enseignement dans les maisons
Si la proclamation publique de l’Évangile est capitale au début de l’Église, le rôle des maisons prend vite de l’importance, surtout lorsque la persécution frappe. Ceci est déjà évident dans les Actes des Apôtres, par exemple chez Lydie (16.5) ou le geôlier (32-34) et cette progression continue au travers des décennies qui suivent. Le foyer est l’endroit naturel pour partager l’Évangile. La maison patricienne romaine est grande, avec de multiples pièces et une cour centrale. Elle forme un lieu idéal pour un mélange de louange, de repas partagé, de communion fraternelle et d’enseignement qui marque le culte chrétien en ses débuts. Ce contexte avec un nombre relativement restreint de participants est plus propice à la discussion et à l’échange d’idées ; il n’y a pas de séparation artificielle entre le prédicateur et les auditeurs. Cette approche a eu tellement de succès que même Celse, l’un des premiers détracteurs du christianisme, s’en est plaint !
-Le témoignage par l’amitié
Si le témoignage public et l’ouverture de la maison sont importants pour la transmission de l’Évangile, le témoignage personnel – lorsqu’une personne partage l’Évangile avec une autre – ne l’est pas moins. Le premier chapitre de l’Évangile de Jean nous montre le modèle. Dès que quelqu’un découvre la vérité sur Jésus, il est comme contraint de la transmettre à quelqu’un d’autre (André va trouver Simon Pierre et Philippe Nathanaël). Un exemple saisissant de témoignage personnel a lieu lorsque Philippe, un de ceux nommés pour soutenir les Apôtres dans les tâches administratives, développe un ministère d’évangélisation (même si ce n’est pas son rôle !) et rencontre l’Éthiopien. Étant à l’écoute de Dieu, il est prêt à abandonner le devant de la scène (lorsque son ministère de proclamation publique de l’Évangile a du succès !) pour se rendre au milieu du désert. C’est là qu’il rencontre un eunuque venu d’Éthiopie ; d’homme à homme, il lui parle de Jésus, patiemment et personnellement, au travers des Écritures. Connaissant aujourd’hui l’histoire du développement ultérieur de la foi chrétienne en Éthiopie, on ne peut sous-estimer l’importance de cette rencontre.
-La littérature
L’évangélisation des débuts de l’Église ne peut être évoquée sans mentionner l’importance de l’écrit ; les Évangiles en témoignent. Luc écrit à Théophile « afin qu’il reconnaisse la certitude des enseignements qu’il a reçus » (Luc 1.4). Il en est de même avec les Pères de l’Église qui écrivent de nombreux tracts apologétiques.
Les bonnes motivations
Au travers de ce bref survol, nous voyons que l’évangélisation ne se limite pas à une méthode ou un style particulier. Si les approches peuvent changer, Paul souligne l’importance que nos motivations soient les bonnes et que le style soit en adéquation avec le message transmis (2 Cor 2.17 ; 4.2, 7). Dans les exemples abordés ci-dessus, chaque fois que l’Évangile est partagé, c’est à cause d’une conviction profonde que le message est vrai et mérite d’être transmis. Pierre nous appelle à toujours être prêts à donner une réponse à quiconque nous demande la raison de l’espérance qui est en nous (1 Pi 3.15). Voilà peut-être un bon point de départ.