Vous avez vibré devant son interprétation de la célèbre parabole de Jésus, aujourd’hui nous recevons le père du Fils Prodigue !
Si vous ne connaissez pas (ou n’avez plus en tête) cette parabole, la voici suivie de notre interview exclusive :
– Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune lui dit : « Mon père, donne-moi ma part d’héritage, celle qui doit me revenir un jour. »
Et le père fit le partage de ses biens entre ses fils.
13 Quelques jours plus tard, le cadet vendit tout ce qu’il avait reçu et s’en alla dans un pays lointain. Là, il gaspilla sa fortune en menant grande vie. 14 Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays-là et il commença à manquer du nécessaire.
15 Alors il alla se faire embaucher par l’un des propriétaires de la contrée. Celui-ci l’envoya dans les champs garder les porcs. 16 Le jeune homme aurait bien voulu apaiser sa faim avec les caroubes que mangeaient les bêtes, mais personne ne lui en donnait.
17 Alors, il se mit à réfléchir sur lui-même et se dit : « Tous les ouvriers de mon père peuvent manger autant qu’ils veulent, alors que moi, je suis ici à mourir de faim ! 18 Je vais me mettre en route, j’irai trouver mon père et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre Dieu et contre toi. 19 Je ne mérite plus d’être considéré comme ton fils. Accepte-moi comme l’un de tes ouvriers. »
20 Il se mit donc en route pour se rendre chez son père. Comme il se trouvait encore à une bonne distance de la maison, son père l’aperçut et fut pris d’une profonde pitié pour lui. Il courut à la rencontre de son fils, se jeta à son cou et l’embrassa longuement.
21 Le fils lui dit :
« Mon père, j’ai péché contre Dieu et contre toi, je ne mérite plus d’être considéré comme ton fils… »22 Mais le père dit à ses serviteurs :
« Allez vite chercher un habit, le meilleur que vous trouverez, et mettez-le lui ; passez-lui une bague au doigt et chaussez-le de sandales. 23 Amenez le veau que nous avons engraissé et tuez-le. Nous allons faire un grand festin et nous réjouir, 24 car voici, mon fils était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et je l’ai retrouvé. »
Et ils commencèrent à festoyer dans la joie.25 Pendant ce temps, le fils aîné travaillait aux champs. Sur le chemin du retour, quand il arriva près de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26 Il appela un des serviteurs et lui demanda ce qui se passait. 27 Le garçon lui répondit :
« C’est ton frère qui est de retour. Ton père a tué le veau gras en son honneur parce qu’il l’a retrouvé sain et sauf. »
28 Alors le fils aîné se mit en colère et refusa de franchir le seuil de la maison. Son père sortit et l’invita à entrer. 29 Mais lui répondit :
« Cela fait tant et tant d’années que je suis à ton service ; jamais je n’ai désobéi à tes ordres. Et pas une seule fois tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. 30 Mais quand celui-là revient, « ton fils » qui a mangé ta fortune avec des prostituées, pour lui, tu tues le veau gras ! »31 « Mon enfant, lui dit le père, tu es constamment avec moi, et tous mes biens sont à toi ; 32 mais il fallait bien faire une fête et nous réjouir, puisque ton frère que voici était mort et qu’il est revenu à la vie, puisqu’il était perdu et voici qu’il est retrouvé. »
CLB : Quand votre fils est venu demander sa part d’héritage, pourquoi avez-vous été si passif ?
P : Vous savez, j’ai bien conscience que peu de pères que je connais auraient agi de la même manière. Dans notre culture, la seule véritable réaction compréhensible à une demande si humiliante aurait été de châtier le gamin en lui faisant subir des sévices corporels et psychologiques pour qu’il apprenne à ne plus faire preuve de présomption. Mais je n’ai pas réagi ainsi. Certains de mes voisins ont dit que j’avais réagi plus comme une mère que comme un père, et dans leur bouche, ce n’était pas un compliment ! Pour eux, j’ai fait preuve de faiblesse en partageant mes biens. Mais de mon point de vue, il ne s’agissait pas ici de faire preuve de force ou de faiblesse : j’ai simplement pris acte de ce que l’amour que j’avais pour mon fils n’était pas réciproque.
CLB : Et quand votre fils est revenu, pourquoi avez-vous réagi comme ça ?
P : Parce que c’est mon fils ! Là encore, on a dit que je m’étais comporté comme une mère, parce qu’ému de compassion, j’ai couru me jeter à son cou pour l’embrasser. Dans notre culture, les pères ne courent pas. Les enfants peuvent courir, les jeunes peuvent courir, les femmes peuvent courir. Mais pas les vieux patriarches comme moi ! Vous savez, courir, ça nécessite de relever sa robe au-dessus de ses genoux – et mes voisins ont encore considéré que je n’ai pas fait preuve de beaucoup de dignité en réagissant ainsi, comme une femme, ils disent. Mais je ne pense pas qu’aimer son fils est un manque de dignité.
CLB : Vous trouvez donc que son aventure valait le coup ?
P : Oui… vu que c’était le seul moyen pour lui de sortir de son délire ! Il a compris son erreur et maintenant il sait ce qu’est le vrai bonheur. Avant il fantasmait, il se la racontait mais aujourd’hui, il sait !
CLB : Et vous étiez tellement content que vous ne l’avez même pas laissé se racheter lui-même ! Vous ne pouviez pas le laisser se refaire une respectabilité et regagner sa place dans la famille ?
P : Parce que vous croyez qu’il avait les moyens de se rendre présentable ? Ce qu’il a fait l’a grillé auprès de tout le monde pendant plusieurs siècles ! Non, il n’y avait que moi qui avais les moyens et l’autorité de le réintégrer. Mon fils était sale, nu-pied, il avait des haillons pour vêtements. Alors, j’ai dit à mes serviteurs d’apporter vite le plus beau vêtement, et de le lui mettre. Et aussi de lui passer un anneau au doigt et de lui mettre des sandales aux pieds. Mais ce n’est pas tout : pour cette grande occasion, j’ai demandé qu’on amène le veau qu’on avait engraissé et qu’on le tue pour faire un véritable festin. On a très bien mangé et on s’est beaucoup réjoui. J’avais l’impression que mon fils était mort et que maintenant il était revenu à la vie. C’était vraiment une belle fête.
Avec cette belle fête, on s’attend à ce que ce soit la fin de l’histoire. Mais il n’en est rien : Jésus introduit un nouveau rebondissement. C’est la réaction du fils aîné. Mais avant de nous tourner vers lui, arrêtons-nous un instant pour analyser ce que fait Jésus en mettant en scène un tel père dans cette parabole. Sous les traits de ce père, c’est Dieu que Jésus décrit, et puisque Jésus, selon sa divinité, est Dieu, c’est aussi une manière de se décrire lui-même. Remarquez qu’il ne s’agit pas de n’importe quel père. Ce n’est pas un père dur tel qu’on avait l’habitude d’en rencontrer dans la culture de Jésus, mais un père qui accepte que son amour soit rejeté, un père qui est ému de compassion, qui pardonne, qui agit avec générosité même envers celui qui s’est égaré. Le père sous les traits duquel Jésus se présente n’est pas seulement tout-puissant et majestueux, il est aussi tout amour. Jésus veut nous montrer que Dieu, que lui-même, est majestueux et doux. Et ce n’est pas là la conception commune que l’on se fait de Dieu : soit l’on conçoit un dieu faible qui subit tout autant les événements que nous mais qui souffre avec nous, soit l’on conçoit un dieu fort et dur qui est au-dessus de notre monde et qui nous traite avec dureté, mais nous avons du mal à envisager un Dieu qui soit doux et tout-puissant en même temps.
Et, justement, nous accueillerons la semaine prochaine le fils aîné qui avait l’air d’aimer son père.