par Pierre Sovann Chauny, professeur de théologie systématique à la Faculté Jean Calvin
Lorsque Pierre prit sa plume pour écrire à des chrétiens d’Asie Mineure faisant l’expérience d’une forme de persécution (cf. 2.18 ; 3.1 ; 4.14), il souhaitait leur communiquer un message d’encouragement à persévérer dans le témoignage qu’ils rendaient à Jésus-Christ, en paroles – étant prêts à répondre de leur espérance (3.15) – comme en actes – s’aimant les uns les autres (1.22), ayant une belle conduite (2.12), endurant la souffrance tout en faisant le bien (2.20), bénissant ceux qui les persécutaient (3.9).
Il ne faut pas se voiler la face : ce que demandait l’apôtre aux chrétiens d’Asie Mineure n’était pas une mince affaire – et ce qui nous est demandé par extension ne l’est pas non plus pour nous aujourd’hui…
Comment donc faire pour persévérer dans notre témoignage chrétien lorsque cela devient difficile ? Pierre nous le révèle par sa manière même de procéder dans cette section qui ouvre sa lettre : avant tout autre chose, il nous faut bénir Dieu et s’émerveiller de ses bienfaits.
Le premier mouvement de l’apôtre ne consiste en effet pas à s’apitoyer sur le sort de ses destinataires. Qu’on se comprenne : il ne s’agit surtout pas de dire que faire preuve d’empathie ne sert à rien ! Mais il y a plus important : se tourner vers le Seigneur, et compter les bienfaits de Dieu… Et c’est pourquoi Pierre commence ainsi : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ » (v. 3a). Si notre témoignage chrétien rencontre de l’opposition, c’est vers le Seigneur d’abord qu’il faut nous tourner, non seulement avec des prières de supplications, mais aussi, et premièrement, avec des prières d’actions de grâce.
Si Dieu, « dans sa grande miséricorde, nous a régénérés » (v. 3b), il aura aussi, après avoir commencé cette œuvre en nous, la volonté de la mener jusqu’à son terme. Ce que Dieu a fait au commencement de notre vie chrétienne doit nous conduire non seulement à méditer sur les grâces passées que Dieu a déjà fait abonder dans nos vies, mais aussi sur les bienfaits qu’il a encore en réserve pour nous. Il y en a trois que l’apôtre Pierre souligne particulièrement ici.
1. Une espérance vivante, un héritage incorruptible, un salut prêt à être révélé (v. 3b-5)
Le premier bienfait à méditer est ce que l’apôtre nomme successivement une « espérance vivante » (v. 3c), un « héritage incorruptible » (v. 4) et un « salut prêt à être révélé à la fin des temps » (v. 5) : trois manières de désigner la même réalité. La nouvelle naissance spirituelle que Dieu fait advenir dans notre vie a une finalité clairement énoncée : faire jaillir en nous l’espérance de la vie. Jésus-Christ, en effet, parce qu’il est ressuscité d’entre les morts est celui que ce même Pierre a pu appeler par ailleurs le « pionnier de la vie » (Ac 3.15). Jusqu’alors, la mort était l’ennemi invincible de l’humanité. Désormais, un nouvel horizon s’ouvre à tous ceux qui croient en Jésus-Christ : Jésus est le pionnier de la vie, celui qui nous fraye un passage à travers le voile de la mort, et qui nous ouvre l’accès à un monde nouveau.
2. Une joie merveilleuse et glorieuse (v. 6-9)
Le second bienfait à méditer procède du premier : puisque nous sommes régénérés pour l’espérance vivante d’un héritage incorruptible encore à venir, nous pouvons d’ores et déjà nous en réjouir. Le « salut prêt à être révélé dans les derniers temps » (v. 5) est la raison précise de notre joie (v. 6a). Cette joie est, à vrai dire, indépendante des circonstances : il est possible – et même « il faut » que ce soit le cas (v. 6b) – que celles-ci nous soient adverses et que nous soyons « attristés pour un peu de temps par diverses épreuves » (v. 6c). Le caractère transitoire de ces épreuves nous permet de les mettre en perspective : aussi difficiles soient-elles, il faut apprendre à les regarder dans la perspective de l’héritage incorruptible qui nous est réservé. Par l’épreuve même, Dieu prend soin de nous, purifiant progressivement nos vies des scories indésirables (v. 7a) pour faire de nous ce qu’il veut que nous soyons (v. 7b). Cette « joie merveilleuse et glorieuse » est donc la joie non de la vue, qui dépend des circonstances, mais de la foi, qui espère ce que Dieu donnera bientôt (v. 8-9).
3. Une grâce attendue par les prophètes et un Évangile dans lequel même les anges veulent plonger leurs regards (v. 10-12)
Le troisième bienfait à méditer donne une profondeur plus grande encore à cette « joie merveilleuse et glorieuse » : nous ne nous réjouissons pas seulement maintenant de ce que nous aurons plus tard, mais nous devons aussi savoir que nous faisons déjà maintenant l’expérience du monde nouveau qui vient, que les prophètes avaient annoncé et espéré de toutes leurs forces. Cette première lettre de Pierre contient plusieurs prophéties de l’Ancien Testament (Ésaïe, Osée, les Psaumes…) qui « attestaient d’avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies » (v. 11) : Jésus en est à chaque fois l’accomplissement.
En fin de compte, le plus glorieux bienfait que nous ayons à méditer est cet Évangile, la proclamation que, malgré les apparences, notre Dieu règne par Jésus-Christ son fils unique, notre Seigneur. Cette vérité du règne de Dieu en Christ sur le monde est si importante que même les anges désirent y plonger leurs regards (v. 12). Nous serions dès lors bien inspirés, dans notre lecture des écrits des prophètes (A.T.) et de ceux qui, après que cette grâce qui nous était réservée fut manifestée en Jésus-Christ, ont prêché l’Évangile par l’Esprit Saint (N.T.), de désirer nous aussi plonger nos regards dans cet Évangile, qui change toutes nos perspectives, et de nous laisser comme hypnotisé par lui.
C’est en se remémorant constamment ces bienfaits et en bénissant pour eux Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, que nous trouverons les ressources nécessaires pour maintenir, dans un monde si souvent hostile à l’expression de la vraie foi, notre témoignage chrétien.